Le Club : Communiqué du Secrétaire Général de l'ABCSM
La peur, notre plus grand ennemi ?
Qui aurait pensé, il y a encore quelques semaines que nous serions interdits de sortir de chez nous, sauf dérogation exceptionnelle et à des conditions d’une précision extrême ? Que nous serions interdits de nous déplacer librement, de côtoyer nos proches, de prendre le train, l’avion, la voiture le métro ? Que toutes ces règles, d’une sévérité sans précédent dans l’histoire de notre démocratie, seraient édictées par l’Etat et que nous, citoyens, acquiescerions sans sourciller à ces mesures attentatoires aux libertés individuelles les plus essentielles ? Et surtout, malgré toute ces mesures, que le pic de l’épidémie nous semblerait bien loin et que le bilan en vie humaine ne cesserait de s’accroitre jour après jour. Une situation qui est bien terrifiante.
Pourtant aujourd’hui, ce dont j’ai le plus peur sont les conséquences sur nos valeurs éthiques du vent de panique qui nous a tous emportés. Les inquiétudes, souvent exacerbées, que chacun peut naturellement ressentir entrainent parfois des décisions irrationnelles, voir même de la pure bêtise. Est-ce dû à l’omniprésence des réseaux sociaux et des chaines d’infos en continu qui sont à l’affut de dernier cas contaminé, du dernier mort ou du dernier foyer épidémique ? Je ne peux rien affirmer. Mais chaque jour qui passe est témoin d’un nouvel incident découlant de cette panique généralisée et révélateur de la bêtise humaine : des rayons entiers de grandes surfaces vidés, des pharmacies prises d’assaut ou encore des scènes surréalistes d’affrontement pour un simple paquet de pâtes. Le fait est que la peur est très contagieuse. Alors que la majorité d’entre nous applaudit l’ensemble du personnel soignant tous les soirs à 20 heures, on apprend que des infirmières reçoivent des lettres de menaces pour déménager ou se retrouvent pousser sur le trottoir par leurs colocataires. Et au summum de leur créativité en matière de contrôle, les Etats développent des moyens numériques pour tracer les malades et pouvoir les géolocaliser sur des applications accessibles à tous. Dès demain, vous pourriez être montré du doigt dans la rue ou fusiller du regard comme si vous étiez un rebus de la société avec une cible sur la poitrine. Même si je reconnais les potentiels avantages que cela peut apporter dans le suivi de la maladie, ces avancées technologiques utilisées à mauvais escient pourraient aussi être alors des régressions sans précédent.
C’est au moment où je vous écris ces quelques mots que tous les gestes, même minimes, de compassion, de solidarité et parfois même de camaraderie, me semblent encore plus importants. Vos appels, ne serait que pour me donner des nouvelles ou m’en demander, me réchauffent le cœur. Toutes vos publications sur les réseaux sociaux, qu'ils soient des encouragements, des défis ou juste de l'humour sont tout aussi importants et montrent votre gout pour la vie en communauté. C’est aussi dans cet instant, que toute ma solidarité va à l’ensemble du personnel soignant, mais également à toutes les personnes se retrouvant en premières lignes face au virus tels que les caissières, les éboueurs, les responsables d’ephad, les policiers, les pompiers … et qui chaque jour prennent des risques pour leurs vies afin de sauver les nôtres et de preserver ce gout du bon vivre ensemble.
Au final, j’ai surtout peur du message que certains transmettent aux générations futures en réponse à une menace. Au lieu de raison, de rationalité, d’ouverture d’esprit et d’altruisme, ils leurs apprennent à paniquer, à être craintifs, méfiants, réactionnaires et intéressés. Ne cédons pas à la peur et surtout écartons la bêtise. Ce n’est pas en nous défiant des uns des autres que nous traverserons cette période mais bien en faisant face épaule contre épaule.
Je vous transmets à tous mes amitiés et en espérant vous revoir tous au sein de notre magnifique club en pleine santé.